juillet 6, 2021

Conseils sur la façon de Prendre le mal de tête de Vin Biologique

Par Artisan du 58

Il semble que la viticulture de masse ait des difficultés à répondre à ces exigences nouvelles, mais on ne peut le lui reprocher car tel n’est pas son objectif. Quelques visites et études du vignoble en Europe ou sur les nouveaux continents du vin montrent à la fois la constance des difficultés et la variété des pratiques aussi bien inter-régionales qu’intra-régionales. Manger ou boire établit un rapport anthropologique à la terre nourricière que de nombreux mythes illustrent (l’Eden, l’âge d’or, Pandore), et qui est exprimé par diverses pratiques sacrées ou profanes(sacrifices, festivités, dévotions par lesquels les sociétés répondent au don de la terre). Manger ne consiste pas à avaler du matériau goûteux, boire du vin ne se limite pas à ingurgiter des constituants sensoriellement expressifs. Ici comme ailleurs, l’engouement pour le vin est indéniable. Sous l’influence de la globalisation des marchés, de l’évolution technologique et de la financiarisation de l’activité, le secteur de la production vitivinicole est en évolution rapide depuis plusieurs décennies. On aurait tort de penser qu’il s’agit là de spéculations anthropologiques sans effet sur les réalités socioéconomiques du secteur vitivinicole.

En effet qu’il s’agisse d’une viticulture paysanne traditionnelle en reconversion ou d’investissements extra-viticoles nouveaux, la stratégie consiste d’une part à savoir s’adapter rapidement au marché et d’autre part à peser sur la demande par un travail de communication qui permette de rentabiliser les investissements récents. Il s’agit bien d’une constante humaine, que l’on peut certes commercialement ignorer, mais sur laquelle la viticulture a tout intérêt à s’appuyer. Cette viticulture n’est en général pas subventionnée, elle est rarement en crise commerciale sauf s’il s’agit d’une conversion récente à ce mode de production qui n’a pu encore être valorisé au niveau du prix, de plus elle exporte souvent car même si elle est plutôt développée dans les pays à fort marché intérieur, elle n’a pas vocation au marché national mais plutôt aux marchés à fort pouvoir d’achat. Gérer n’a de sens que si cela conduit à la valorisation, or au plan paysager, la valorisation est toute entière dans le développement discursif qui accompagne l’observation.

En fait il y a là un pari économique sur des perspectives de profit dans la production massive ce qui conduit à financer les reconversions techniques et commerciales nécessaires. La production de la viticulture différenciée, du fait des soins dont elle bénéficie et de l’image de marque qui en découle, est peu touchée par les problèmes d’hygiène publique, peu sensible aux effets de mode à court terme, mais néanmoins soumise à des fluctuations de marché qui relèvent surtout de procédés spéculatifs. La revendication d’identification territoriale des produit alimentaires n’est ni une mode passagère, ni un procédé promotionnel mobilisant superficiellement le concept de terroir, ni une argumentation dépassée des vignobles AOC classiques concurrencés par les productions a-localisées de vins de cépages. Finalement ce n’est pas tant l’écart entre, par exemple, le vignoble français et chilien qui est grand, mais l’écart entre telle stratégie d’un domaine bordelais et celle de son voisin, écart que l’on peut retrouver entre deux domaines chiliens. En fait la question du terroir que l’on croit essentiellement être celle du goût est avant tout celle de l’origine: le terroir valide d’abord une identité spatiale, puis la typicité gustative qui y est associée confirme cette reconnaissance.

Se nourrir et se désaltérer, particulièrement avec du vin, requiert fondamentalement la mise en relation avec un lieu de la terre qui, par l’intermédiaire des agriculteurs, nous fait ce don vital. Ne nous y trompons pas, dans une Appellation d’Origine Contrôlée par exemple, l’élément décisif au plan humain n’est pas la caractéristique de goût mais la caractéristique identitaire du lieu. Ce lieu mérite d’être identifié et le produit doit porter la marque de cette origine pour que soit maintenue l’union de l’humanité et de son oecoumène. Apprécier tel vin de telle région c’est d’abord établir un lien avec cette région et la relation de goût n’est que secondaire, même si on la croit déterminante dans l’acte d’achat. En fait ces lourdeurs existent bien, mais les dynamiques de mondialisation et de concurrence aussi, c’est ainsi que se sont accentués les contrastes internes au sein d’un secteur qui diverge en différentes modalités de production. La majorité des ventes effectuées sont réalisées auprès de magasins spécialisés dans la revente d’articles biologiques : en effet, plus de la moitié des viticulteurs du secteur biologique optent pour la vente directe. L’exploitant complète ses revenus viticoles par la fourniture de services au secteur privé (tourisme, découverte) ou au secteur public (entretien du milieu naturel et dynamisation du milieu humain – voir par exemple le cas français des CTE, Contrats Territoriaux d’Exploitation).

L’équilibre économique de ce type de viticulture dépend souvent du budget public, car il ne produit ni devise, ni même un approvisionnement national suffisant, mais en revanche il assure l’équilibre humain et naturel des campagnes. Le marché mondial étant très concurrentiel le soutien du budget public se révèle parfois nécessaire dans certains pays. La viticulture de masse assurait autrefois d’abord l’approvisionnement national mais s’oriente désormais vers l’exportation surtout dans les nouveaux pays viticoles à faible demande intérieure. Elle répond à une demande sociale d’accueil, de qualité des paysages, d’entretien patrimonial, de qualité gustative des produits, de sécurité alimentaire. La notion de terroir est absente puisqu’on ne vise aucunement la typicité mais au contraire la conformité du produit à un modèle de demande suffisamment massive pour être porteuse commercialement (pilotage aval). Le coût de production est élevé, du fait de la faiblesse des rendements, de la valeur ajoutée en travail, en savoir-faire, en technologie. Dite compétitive ou hyper productiviste selon la connotation idéologique que le locuteur veut lui donner, elle est fondée sur la baisse des coûts de production et la recherche de rendements proches de 100 hl/ha afin d’obtenir l’efficacité financière maximale.